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Tout semble avoir été dit sur l’œuvre de Maurice Utrillo. Comment éviter la répétition à propos d’un peintre à qui l’on reproche souvent d’être le peintre de la répétition, oubliant par la même que celle-ci est au coeur de la création artistique (Lire le philosophe Gilles Deleuze !…)

La notoriété d’Utrillo ne dépassait pas les limites de Montmartre et des ses cafés, où ses toiles épongeaient les ardoises. Sans succès il participe à quelques expositions, au Salon “Automne”, à la Galerie Druet. Pris en main par le marchand Libaude, Utrillo ne connut que la personnalité matérialiste de ce dernier qui tentait de maîtriser le jeu de l’offre et de la demande, de l’exclusivité, préfigurant d’autres pratiques. Libaude n’eut pas la même empathie que Zborowski pour Modigliani. On pense plus tard à Pétridès, exigeant le blanc d’Utrillo qui souhaitait peindre le printemps ! Cependant Utrillo croisa , par l’intermédiaire de Libaude, le critique et futur designer Francis Jourdain qui le fit connaître à Elie Faure, Gaston Gallimard et les deux frères Kapferer, l’aviateur et le pétrolier, ses premiers acheteurs un peu conséquents.

La célèbre vente de la Peau de l’Ours en 1914 fit grimper un peu les Utrillo, mais fut surtout comme une nouvelle bataille d’Hernani, un combat des anciens et des modernes : à combien allaient partir les Picasso ? Ils partirent bien ! La périodes blanche était terminée pour Utrillo dans la pratique alors qu’elle ne faisait que commencer dans le mythe.

Clémentine Valadon, Suzanne pour les intimes, c’est la Nana de Zola que l’on convoite pour son charme et sa beauté. Rien d’anormal ni d’immoral dans ce milieu marginal qui laissait aux philistins le soin de codifier l’hypocrisie sociale !Dans l’acte de naissance de son fils, elle se dit “couturière”.

On peut supposer qu’elle passait plus de temps à tisser ou à dénouer les aventures sentimentales qu’à tirer l’aiguille ou tenir le fer.Avant de devenir le modèle (et la maîtresse) de Puvis de Chavannes, elle avait déjà fait la rencontre de Miguel Utrillo y Morlius puisqu’au bas d’un portrait à la mine de plomb qu’il réalisa d’elle, on pouvait lire “Souvenir de la Guerre de sept ans !” Une dédicace éloquente en guise d’épitaphe !
Marie-Clémentine Valadon fut l’archétype de la grisette montmartroise. Belle, d’humeur enjouée, elle avait soif de vivre et rêvait de réussite pour échapper à l’atavisme familial. Elle réussit à s’imposer dans le milieu de la peinture. C’était l’époque où l’irruption de l’impressionnisme agitait critiques et salons…
Avide de sécurité matérielle, elle se rapprocha de Puvis de Chavannes : elle devint son modèle, il devint son amant.
Lassé de leurs amours tumultueuses, l’amant blessé retourna en Espagne. Quand il fut de retour à Paris, en 1891, il reconnut Maurice Valadon comme son fils en demandant pour lui la nationalité française. Puis celui qui fit découvrir Montmartre et Paris à Pablo Picasso disparut, définitivement cette fois.
A fréquenter les peintres, Clémentine, devenue Suzanne Valadon, se découvrit du talent. En plus de poser pour Toulouse Lautrec et Renoir, elle produisit une série de très beaux dessins prenant pour modèles son fils ou la fille de sa concierge. La bonne fortune aidant (qu’elle entretint par un soin consommé des relations professionnelles), Suzanne se lança avec frénésie dans le monde des arts. On la surnommera même la terrible Maria !
Grâce au sculpteur Bartholomé, elle fit ensuite la connaissance de Degas et le maître découvrit ses dessins avec enthousiasme : Ma fille, c’est fait. Vous êtes des nôtres!”, se serait-il écrié. Tout s’enchaîna alors très vite. Suzanne peignit ses premières huiles dont le célèbre portrait d’Erik Satie, avec qui elle eut une courte liaison.Et puis, en 1895, ce fut la consécration : elle était admise à exposer à La Nationale…
Texte de Jean-Pierre Valeix, 1992.

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